Khalifa Niasse réclame 30 millions de dollars à la Guinée
L’ancien ministre et homme d’affaires sénégalais Ahmed Khalifa Niasse s’apprête à traîner la présidence guinéenne devant les juridictions internationales et réclame près de 30 millions de dollars de dédommagements pour « expropriation » d’un terrain qu’il avait acquis dans la capitale guinéenne en 2008, sur lequel se dresse aujourd’hui le luxueux Grand Sheraton Conakry.
C’est une publicité dont se serait bien passé le président guinéen Alpha Condé à quelques jours de son investiture et qui risque d’agiter les prétoires des juridictions internationales pendant plusieurs mois.
En effet, selon nos informations, le leader politique et religieux sénégalais Ahmed Khalifa Niasse, tout-puissant sous Abdoulaye Wade, s’apprêter à déposer une plainte contre l’Etat guinéen – auquel il réclame la coquette somme de 30 millions de dollars – auprès de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) d’Abidjan.
Cette plainte fait suite au différend qui oppose depuis une dizaine d’années l’Etat guinéen à l’homme d’affaires sénégalais, Ahmed Khalifa Niasse, qui avait obtenu en 2008, dans les derniers mois de la présidence de Lansana Conté, un terrain d’une douzaine d’hectares dans le quartier huppé de la capitale guinéenne de Kipé.
Via sa holding Afrique Investissement, le fondateur du Front des alliances patriotiques (FAP) avait à l’époque passé un contrat avec le Palais Sékhoutouréya pour la construction de dix villas présidentielles.
Mais à peine quelques semaines après l’acquisition du terrain, le ministre de l’Urbanisme ordonne l’arrêt du chantier, évoquant notamment un risque « sismique ». Le décès en 2008 de Lansana Conté avait par la suite gelé l’avancée du projet, brièvement relancé par le président par intérim Sékouba Konaté en 2010 avant qu’Alpha Condé ne lui donne le coup de grâce. Un an et demi après son élection, le chef de l’Etat guinéen avait en effet fait raser les fondations des villas.
Dans la foulée, la parcelle qui offre une vue imprenable sur toute la côte Atlantique avait été attribuée au géant de l’hôtellerie Marriott, qui a déboursé près de 60 millions de dollars pour y construire le Grand Sheraton Conakry, inauguré en grande pompe en décembre 2016 en présence de nombreux officiels guinéens.
Le 22 octobre, Ahmed Khalifa Niasse s’est par ailleurs fendu d’une mise en demeure adressée directement à la présidence guinéenne. Dans cette dernière, la défense du « marabout de Kaolack » – assurée par l’avocat Pierre-Henri Bovis et le cabinet parisien Binsard Martine – avait ni plus ni moins lancé un ultimatum à Alpha Condé réclamant, « d’ici le 30 novembre 2020, la somme de 30 millions de dollars ». Ce montant serait justifié, selon les avocats de Niasse, « par la qualité du terrain, de son emplacement, des installations susceptibles d’y être réalisées, ainsi que compte tenu des investissements financiers, matériel et humain engagés ». Et d’ajouter qu’ils se réservent le droit d’effectuer d’éventuelles « saisies » contre des biens de l’Etat guinéen.
Si la mise en demeure a bien été réceptionnée par la présidence guinéenne, elle est néanmoins restée lettre morte. De très discrets contacts entre Niasse et le premier cercle du chef de l’Etat guinéen ont été entrepris ces derniers mois, par plusieurs proches des deux hommes, pour tenter de trouver un accord à l’amiable, mais jusqu’à présent sans succès.